#Laudes
//… et ne nos inducas in tentationem, sed libera nos a malo.//
« Amen ! »
Le mot, prononcé par cent cinquante voix, résonne dans l’église abbatiale de Goulacq pendant plusieurs secondes avant de se dissiper lentement. Les frères assemblés se relèvent lentement et commencent à quitter les lieux en bon ordre et en silence, prêts à débuter une nouvelle journée de travail, d’étude et de prière. Alors que vous vous préparez à emboîter le pas à votre voisin de prie-Dieu, une voix ferme mais calme s’élève.
« Frère Edgar ! Un peu de votre temps, je vous prie. »
C’est celle de frère Paulin, le prieur de l’abbaye. Avec ses cheveux argentés et sa silhouette longiligne, il projette une aura d’autorité tranquille à laquelle bien peu de vos frères sont capables de résister. Son élection comme prieur n’a surpris personne et tout le monde s’attend à ce qu’il succède au père Ambroise à la tête de votre communauté d’ici un an ou deux, si tant est que votre vénérable abbé mette autant de temps à rejoindre le Seigneur.
« Oui, frère prieur, que puis-je pour vous ?
— Il est grand temps que cela cesse, frère Edgar.
— Hein ? De quoi s’agit-il, frère prieur ?
— Ne faites pas l’innocent, frère Edgar, n’oubliez pas que le mensonge est un péché. Les coûtres de garde m’ont rapporté vous avoir vu rôder autour du réfectoire un peu après matines. Je me suis enquis de l’état de nos réserves auprès du frère cellérier, qui m’a confirmé la disparition d’une bonne douzaine de nos petits fromages. Vous avez encore fait bombance cette nuit, n’est-ce pas, frère Edgar ? »
Votre gorge se serre et les larmes vous montent aux yeux, des larmes de honte et de culpabilité. Frère Paulin a raison, bien entendu. Mais comment résister aux délicieux petits fromages que produisent les serfs de votre abbaye à partir du lait de leurs chèvres ? Ils sont si crémeux, si fondants !
« C’est plus fort que moi, frère prieur. J’ai beau tenter de me raisonner, rien n’y fait, je ne peux pas m’en empêcher. Et une fois que j’en ai mangé un, impossible de ne pas en prendre un autre, puis un autre, et encore un autre… Mais après tout, quelqu’un n’a-t-il pas dit que le meilleur moyen de résister à la tentation, c’est d’y céder ?
— Allons bon ! Quel est le sauvage qui a pu proférer de telles horreurs ?
— Je ne sais plus, j’ai dû lire ça quelque part.
— Frère Edgar, vous devriez savoir que s’il est une chose au monde que j’exècre davantage que les anachronismes, c’est bien l’apologie du péché ! Ôtez-vous immédiatement cette idée de la tête. »
Frère Paulin réfléchit un instant, puis il reprend :
« Je vous mets à la pénitence : interdiction de toucher au moindre fromage jusqu’à nouvel ordre. Tenez-vous le pour dit ! Si jamais j’apprends que vous avez ne serait-ce que humé une croûte abandonnée par terre, si jamais je retrouve la moindre miette sur votre menton, je ferai en sorte que l’abbé prononce votre exclusion. Nous ne pouvons tolérer un tel comportement à Goulacq. »
Sans vous laisser le temps de répondre, frère Paulin s’éloigne, vous laissant seul dans une église qui ne vous a jamais paru aussi vide qu’en ce triste matin d’été.
Un seul bruit vient rompre le silence, celui des grondements de votre estomac affamé.
[[La journée s’annonce longue.->Règles]](set:$gula to 3)
#Règles
Cette aventure s’intéresse au combat qui se livre dans le for intérieur du pauvre frère Edgar entre le péché capital qu’est la gourmandise (ou //gula// en latin) et la vertu cardinale qui lui est diamétralement opposée, la tempérance //(moderatio)//.
Dans sa //Summa theologica//, le célèbre philosophe et théologien dominicain Thomas d’Aquin (1224/5–1274) reprend la typologie en cinq aspects du péché de gourmandise proposée quelques siècles auparavant par le pape Grégoire le Grand, selon qu’il se traduit par le fait de manger trop tôt //(præpropere)//, trop richement //(laute)//, en trop grande quantité //(nimis)//, avec trop d’impatience //(ardenter)// ou de goût //(studiose)//.
Puisque cette petite aventure n’est pas un tome de la série //Loup* Ardent//, nous nous contenterons de représenter le conflit interne de frère Edgar par un unique score de //gula//.
Au début de l’aventure, la //gula// de frère Edgar est égale à 3, mais elle sera amenée à augmenter ou diminuer en fonction de ses choix, ainsi que d’événements sur lesquels il n’aura aucune prise. Les voies du Seigneur sont impénétrables.
Il arrivera par ailleurs que le texte demande de comparer le résultat d’un lancer de dé au score de //gula// de frère Edgar. N’oubliez donc pas de vous munir d’un dé à six faces, ou de tout autre moyen d’en simuler le jet à votre disposition.
Si, au cours de l’aventure, la //gula// de frère Edgar atteint un total de 6, vous devrez vous rendre immédiatement au ''49''. Si ce score tombe à 0, c’est au ''50'' qu’il vous faudra aller.
En attendant, rendez-vous au [[''1''->1]].Goulacq est une petite abbaye où les nouvelles vont vite, surtout avec des commères comme frère Guilhem. Si ce n’était point péché (encore un !), vous seriez prêt à jurer l’avoir vu s’éloigner au petit trot lorsque vous êtes sorti de l’église à la suite du frère prieur. Sans doute écoutait-il encore aux portes… Toujours est-il qu’il vous semble déjà entendre des chuchotis et des rires étouffés résonner dans votre dos. Votre penchant pour les bons fromages n’était jusqu’à présent connu que du frère Paulin, mais le secret sera bientôt éventé, s’il ne l’est déjà. Peut-être vos pairs vous aideront-t-ils à résister à la tentation ? À moins qu’ils ne vous entraînent vers le fond…
Avant votre dialogue avec le frère prieur, cette journée s’annonçait fort banale. Quelques corvées de nettoyage dans la matinée, le dîner, une séance de copie au scriptorium dans l’après-midi, le souper et retour au dortoir pour la nuit, le tout ponctué par les habituelles prières de prime (au lever du soleil), tierce (en milieu de matinée), sexte (vers midi), none (en milieu d’après-midi), vêpres (en début de soirée) et complies (au coucher du soleil). À présent, qui sait ce que le Seigneur vous réserve…
En attendant prime, vous disposez d’une brève période de repos. Si vous voulez essayer de dormir, rendez-vous au [[''41''->41]]. Si vous préférez prendre l’air, rendez-vous au [[''26''->26]].Tous vos frères vous ont précédé dans le dortoir commun. Pour autant que vous puissiez en juger dans la pénombre, ils vont ont également tous précédé dans le sommeil. Sans attendre, vous rejoignez votre paillasse, vous vous allongez et tirez machinalement votre couverture de toile grossière sur vous, quand bien même il ne fait pas vraiment froid. Ce faisant, une odeur familière vous monte au nez… une odeur de fromage ! Vous auriez dû mieux vous laver les mains après vos agapes, car la bonne odeur du lait de chèvre imprègne à présent solidement vos draps.
Vous gagnez 1 point de //gula//. (set: $gula to $gula +1)
Si vous essayez de vous endormir malgré tout, rendez-vous au [[''45''->45]].
Si vous estimez préférable de vous éloigner de cette succulente odeur, allez prendre l’air au [[''26''->26]].Vous empruntez les couloirs qui mènent au cloître et ressortez à l’air libre. L’atmosphère nocturne est d’une agréable fraîcheur et vous distinguez encore les étoiles d’un côté du ciel, celui qui n’est pas encore baigné dans la lueur mauve des premiers rayons du soleil. Le silence n’est rompu que par le chant mélodieux de la grive. Un profond sentiment de quiétude vous emplit.
Rendez-vous au [[''10''->10]].Le sommeil vous fuit pendant ce qui vous semble être des heures. Finalement, vous parvenez à vous endormir, mais ce n’est que pour vous retrouver dans un rêve où vous vivez à nouveau votre conversation avec le frère prieur. À ceci près que sa tête a été remplacée par un énorme crottin de chèvre… ce qui ne semble pas le gêner le moins du monde pour vous sermonner.
Si vous voulez manger la tête de frère Paulin, rendez-vous au [[''8''->8]].
Si vous vous en abstenez, rendez-vous au [[''15''->15]].Contrairement aux laudes, l’office de prime se déroule sans histoire. Vous évitez soigneusement de croiser le regard de frère Paulin et ce dernier vous ignore tout autant. À la sortie de l’église, vous êtes accosté par le frère Barnabé, le responsable des jardins de l’abbaye.
« Ah, frère Edgar ! J’espère que vous ne m’avez pas oublié ? »
Difficile d’oublier frère Barnabé. Aussi large qu’il est haut, avec un visage perpétuellement rubicond et une voix qui retentit comme le tonnerre, ce n’est pas le genre d’individu qu’on peut ignorer. S’il ne portait comme vous une simple robe de bure, bien malin qui croirait avoir affaire à un humble moine passionné d’horticulture. Dans son cas, c’est bel et bien l’habit qui fait le moine.
« Bien sûr que non, frère Barnabé. Il s’agissait de nettoyer les plate-bandes, c’est bien cela ?
— Tout à fait ! Les mauvaises herbes sont toujours aussi décidées à étrangler nos fleurs et nos simples. Il ne s’agirait pas que le rêve de Pharaon devienne réalité dans notre jardin ! »
Satisfait de son bon mot, il éclate d’un rire tonitruant qui résonne dans les couloirs. Il s’attire les regards noirs de plusieurs frères qui ne goûtent guère de telles démonstrations de gaieté, mais comme à son habitude, Barnabé n’en a cure. Cependant, l’un d’eux s’approche de vous. Il s’agit de frère Joseph, le réfectoriste, qui s’interpose entre Barnabé et vous.
« Un instant ! Il me semble que frère Edgar me doit une corvée. »
Il a raison. Vous vous étiez engagé à l’aider à préparer le réfectoire pour le dîner. En échange, il vous avait promis de détourner le regard s’il vous voyait rôder du côté des réserves dans la soirée…
La tension est palpable entre le jardinier et le réfectoriste, qui semblent prêts à s’engager dans une lutte dont l’enjeu sera le déroulement de votre matinée de travail. Même si frère Joseph a l’air d’un nain à côté de frère Barnabé, il est son égal pour ce qui est de la force de caractère, quand bien même le calme et la mesure sont d’ordinaire ses traits dominants. Leurs disputes sont devenues légendaires dans l’abbaye et même au-dehors, où certains n’hésitent pas à les appeler Ésaü et Jacob.
Si vous voulez aider frère Barnabé, rendez-vous au [[''36''->36]].
Si vous voulez aider frère Joseph, rendez-vous au [[''38''->38]].Ni une ni deux, vous mordez à pleines dents le sommet du crâne de frère Paulin, qui continue à vous morigéner comme si de rien n’était. Bouchée après bouchée, vous engloutissez le fromage tout entier. C’est désormais du fond de votre estomac que provient la voix du frère prieur, que votre appétit ne semble déranger que d’un point de vue purement théologique.
En vous réveillant, vous vous sentez aussi perplexe que rassasié – ce qui ne contribue pas peu à votre perplexité.
Rendez-vous au [[''10''->10]].Ce n’est pas parce que vous rêvez qu’il est plus aisé de résister à la tentation, quand bien même l’objet de cette tentation est un fromage de chèvre qui parle avec la voix de votre supérieur. Il vous faut puiser dans vos dernières réserves de force morale pour ne pas céder à l’envie intense de dévorer cette monstruosité lactée.
En vous réveillant, vous avez la désagréable surprise de découvrir que dans votre rage, vous avez ardemment mâchonné votre couverture. La bouche pleine de fibres, l’estomac vide et criant famine, vous vous sentez encore plus mal que tout à l’heure. Vous gagnez 1 point de //gula//. (set: $gula to $gula + 1)
Rendez-vous au [[''10''->10]].Frère Joseph est furieux. Son visage effilé se crispe et vous sentez qu’il contient à grand peine un cri de rage. Il s’éclipse cependant sans mot dire. Surpris, vous échangez un regard avec frère Barnabé, mais le réfectoriste ne tarde pas à revenir en compagnie du cellérier. Ce dernier est leur supérieur direct à tous les deux, ce qui fait de lui la personne toute désignée pour trancher ce conflit. Du reste, frère Nestor a l’habitude de ce genre de situation. On dit que c’est précisément sa capacité à mettre un terme aux éternelles querelles entre les frères Barnabé et Joseph qui lui a valu d’être nommé à ce poste.
Vous assistez en silence au long conciliabule qui s’ensuit entre les trois hommes jusqu’à sa conclusion en faveur de frère Barnabé. Cependant, frère Joseph obtient une concession : vous devrez vous mettre à son service durant toute la journée de demain. D’ici là, vous prenez donc la direction des jardins.
Rendez-vous au [[''30''->30]].Frère Barnabé est outré. Le rouge lui monte aux joues et vous sentez qu’il est prêt à exploser. Pourtant, il choisit de s’éloigner sans mot dire, ce qui vous surprend tout autant que frère Joseph. Cependant, le jardinier est bientôt de retour, et il n’est pas seul : frère Nestor l’accompagne. Ce dernier est le cellérier de l’abbaye, ce qui fait de lui le supérieur direct du jardinier comme du réfectoriste. La rumeur veut qu’il ait été nommé à ce poste précisément pour sa capacité à apaiser les incessantes arguties des frères Barnabé et Joseph, une tâche qui, dit-on, lui prend souvent plus de temps que ses fonctions normales de cellérier.
Au terme d’un long conciliabule, frère Nestor démontre à nouveau ses compétences d’arbitre en tranchant en faveur de frère Joseph. Frère Barnabé aura cependant la satisfaction de vous voir à ses côtés durant toute la journée de demain. D’ici là, vous emboîtez le pas au réfectoriste.
Rendez-vous au [[''19''->19]].C’est toujours un plaisir de passer du temps avec frère Barnabé. Le gros moine est presque toujours de bonne humeur, hormis peut-être en présence de frère Joseph, et il n’aime rien tant que faire circuler les nouvelles du monde extérieur apportées à l’abbaye par les voyageurs de passage.
Si vous voulez lui demander une histoire pour passer le temps, rendez-vous au [[''31''->31]].
Si vous préférez rester plongé dans vos pensées, rendez-vous au [[''20''->20]].Sous l’œil inquisiteur de frère Joseph, vous faites la vaisselle d’hier soir et balayez le sol du réfectoire. Il ne vous quitte pas une seule seconde, et vous vous demandez s’il s’attend à vous voir essayer de vous faufiler dans les réserves pour voler un peu de fromage. Est-il seulement au courant de votre conversation de ce matin ? Ce n’est pas le genre à s’intéresser aux commérages de frère Guilhem. S’il connaît votre situation, il n’en dit en tout cas rien, et vous n’échangez pas plus de dix mots au cours des deux heures qui s’écoulent dans le réfectoire.
Vous accueillez la sonnerie des cloches avec soulagement. L’office de tierce constituera une distraction bienvenue. Rendez-vous au [[''9''->9]].Le sermon de tierce avait pour sujet la gourmandise. Vous vous sentez un peu vexé.
À présent, si vous devez vous rendre au jardin, rendez-vous au [[''47''->47]].
Si c’est au réfectoire, rendez-vous au [[''2''->2]].Vous connaissez bien frère Barnabé, un homme totalement dépourvu de malice et plein de curiosité, mais qui ne s’abaisse jamais au niveau des ragots colportés par frère Guilhem.
Aussi, lorsqu’il commence à vous raconter l’histoire d’un maître fromager contraint par des circonstances aussi improbables qu’impérieuses de consommer lui-même l’intégralité de sa production en l’espace d’une journée, vous vous doutez bien que c’est un pur hasard.
Cela ne vous aide pas pour autant à faire abstraction de votre faim persistante et vous avez presque l’impression de voir des crottins de chèvre se dandiner entre les touffes de liseron que vous arrachez. Vous gagnez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula + 1)
La cloche de l’office de tierce finit par sonner. Vous aviez l’impression que ce moment ne viendrait jamais. Rendez-vous au [[''9''->9]].La matinée s’écoule avec lenteur, tout juste ponctuée par le chant du merle et du pinson. Bien que monotone, votre tâche requiert précisément le niveau de concentration nécessaire pour empêcher votre esprit de vagabonder dans des directions trop dangereuses. Après les émois de potron-minet, vous trouvez un certain plaisir à accomplir une tâche simple dans le calme.
Le son de la cloche finit par vous tirer de votre rêverie : il est tierce, l’heure du troisième office de la journée. Rendez-vous au [[''9''->9]].Un visiteur ayant requis la présence de frère Barnabé, c’est dans la solitude que vous reprenez le travail. Les mauvaises herbes vous écorchent la peau, vos genoux et votre dos souffrent de la position que vous devez adopter pour les arracher, et le soleil qui approche de son zénith tape fort sur votre crâne tonsuré. La douleur vous aide cependant à garder l’esprit serein et vous êtes presque surpris d’arriver au bout de votre plate-bande, désormais vierge de tout végétal indésirable.
Après avoir bu une rasade d’eau fraîche remontée du puits par un frère compatissant, vous envisagez d’aller voir frère Barnabé pour passer la fin de la matinée en sa compagnie.
Si c’est ce que vous faites, rendez-vous au [[''4''->4]].
Si vous préférez rester au jardin jusqu’à ce que les cloches de sexte sonnent, rendez-vous au [[''23''->23]].La fin de la matinée est toujours une période agitée au réfectoire. La pièce doit accueillir cent cinquante moines affamés et tout doit être prêt avant que sexte ne sonne. Vous n’êtes donc pas seul à venir en aide à frère Joseph : trois de vos camarades s’affairent également autour de vous. L’un d’eux n’est autre que cette commère de frère Guilhem… et vous entendez à plusieurs reprises des petits rires étouffés lorsque vous lui tournez le dos et que frère Joseph n’est pas dans la pièce.
Si vous l’ignorez, rendez-vous au [[''37''->37]].
Si vous lui demandez poliment ce qui l’amuse autant, rendez-vous au [[''5''->5]].
Si vous le sommez d’arrêter de ricaner, rendez-vous au [[''27''->27]].Frère Guilhem et ses deux comparses poursuivent leurs messes basses tout au long de la matinée. Ces chuchotis constants vous portent sur les nerfs et vous empêchent de vous concentrer sur vos tâches. Vous laissez échapper à plusieurs reprises des couverts qui tombent avec fracas sur le sol de pierre du réfectoire. Cette crispation ne vous aide pas à faire abstraction de l’idée qu’une simple porte vous sépare du cellier et de ses provisions de bouche, au premier rang desquels vos chers fromages de chèvre. Vous gagnez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula + 1)
Un nouveau son de cloche annonce l’office de sexte, le dernier avant le dîner. Vous laissez les autres frères partir devant vous, n’ayant aucune envie de les côtoyer davantage que nécessaire.
Rendez-vous au [[''23''->23]].Frère Guilhem accueille votre question avec un sourire narquois.
« Nous songions aux pauvres gloutons qui ne savent résister au péché de gourmandise. Les sots ! Alors qu’il s’agit sans doute là du péché le plus aisé à combattre ! »
Vous grommelez une réponse inaudible.
« Heureusement, nous autres moines sommes bien placés pour combattre nos bas instincts. Je dirais même que si l’un d’entre nous en était incapable, sa place parmi nous serait bien usurpée. Qu’en pensez-vous, frère Edgar ? »
Vous grommelez de plus belle.
« Pardon, frère Edgar ? Je n’ai pas très bien entendu.
— J’ai dit, frère Guilhem, que si l’on excluait de l’abbaye les moines qui ne méritent pas d’y être, vous seriez déjà de l’autre côté de la grande porte ! »
Votre répartie jette un froid. L’algarade ne se poursuit pas plus loin, le retour de frère Joseph vous incitant tous à faire silence jusqu’à la sonnerie de la cloche de sexte.
Rendez-vous au [[''23''->23]].« Allons, frère Edgar, que vous arrive-t-il ? On vous a connu plus amène. Auriez-vous un petit creux ? »
La claque part sans prévenir et frère Guilhem vous fixe, stupéfait, les larmes aux yeux et une belle marque rouge sur la joue. Une telle action vous vaudrait sans doute de gagner au moins 5 points d’ira si les règles de cette aventure prenaient en compte la colère et les cinq autres péchés capitaux en plus de la gourmandise.
L’un des acolytes de frère Guilhem réagit en vous donnant un vilain coup de pied qui vous atteint en plein dans le tibia. Vous poussez un glapissement de douleur.
Attiré par le bruit, frère Joseph revient dans le réfectoire. Il a la surprise de voir les quatre moines censés travailler pour lui en pleine foire d’empoigne. Avec une force surprenante pour un individu aussi petit, il vous sépare à la force du poignet et vous sermonne pour votre comportement. Celle-là, frère Paulin va en entendre parler…
La cloche de sexte sonne à temps pour vous éviter un embarras trop prolongé. Vous prenez la direction de l’église à bonne distance de frère Guilhem et de ses séides. Le fait est que la colère vous a changé les idées. Vous perdez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula - 1)
Rendez-vous au [[''23''->23]].Il vous faut un certain temps pour retrouver frère Barnabé. Il est près de l’entrée de l’hôtellerie, en grande discussion avec un laïc à l’air patibulaire.
Le jardinier vous fait signe d’approcher et vous présente à son compagnon. Ce n’est autre que l’un de ses innombrables cousins qui profite d’un voyage dans la région pour venir lui rendre visite. À présent, vous distinguez effectivement un air de parenté entre frère Barnabé et son cousin Pierre. Vu de près, il n’a même plus l’air si patibulaire que ça ! Pour faire la conversation, vous lui demandez quel est son métier.
« Oh, ben moi j’suis chevrier, j’m’occupe de mes chèvres, tout ça. J’ai toute une cargaison de fromages qui m’attend dehors pour le marché d’Acédiac, j’me suis dit que j’pourrais en laisser quèqu’z’uns à mon cousin préféré. Ça vous tente d’y jeter un œil ? »
Ciel ! La tentation est décidément omniprésente aujourd’hui !
Lancez un dé. Si le résultat est supérieur ou égal à votre score de //gula//, rendez-vous au [[''43''->43]]. S’il est inférieur, rendez-vous au [[''32''->32]].Le soleil est haut dans le ciel à présent et ses rayons illuminent de mille couleurs les vitraux de l’église pendant l’office de sexte. Il contribue à rendre cet instant de communion encore plus solennel.
Une fois l’office terminé, vous vous rendez tous en bon ordre au réfectoire pour prendre votre dîner, premier repas de la journée. La chère se limite à un plat de fèves accompagné d’un peu de pain noir. Il va de soi que si vos camarades ont droit à un peu de fromage, ce n’est pas votre cas. Bien qu’ingrat, ce régime suffit à apaiser la faim suscitée par vos faits et gestes de la matinée. Vous perdez 1 point de //gula//.
C’est à présent l’heure de la sieste.
Si vous suivez vos frères au dortoir pour prendre un peu de repos, rendez-vous au [[''25''->25]].
Si vous préférez faire autre chose, rendez-vous au [[''11''->11]].Balbutiant une excuse, vous battez en retraite à l’intérieur de l’abbaye. Ce n’est qu’une fois séparé de Barnabé et de son cousin par plusieurs murs de pierre que vous commencez à respirer calmement à nouveau. Pourquoi le Seigneur est-il aussi cruel avec vous aujourd’hui ? Préfère-t-il les fromages au lait de vache ? Considère-t-il l’emmental comme seul digne d’être mangé par ses fidèles ? Il ne vous semble pas que la Bible touche mot de ses préférences fromagères, mais peut-être devriez-vous vérifier.
La sonnerie de sexte vient interrompre les divagations de votre esprit. Vous prenez la direction de l’église en fronçant les sourcils pour chasser toute pensée parasite.
Rendez-vous au [[''23''->23]].Pétrifié par des émotions contradictoires, entre stupeur, faim et terreur, vous n’arrivez pas à répondre. Le cousin de Barnabé prend votre silence pour un assentiment et sort de sa poche un petit paquet dont le papier d’emballage est incapable de retenir l’odeur, qui se propage d’un seul coup jusqu’à vos narines. L’eau vous monte à la bouche, vous vous enfoncez les ongles dans la paume des mains pour ne pas vous jeter sur le superbe petit crottin que vient de dévoiler ce cousin tentateur.
Vous gagnez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula + 1)
Heureusement, le Seigneur est avec vous. Alors même que vous sentez votre volonté flancher, la silhouette d’un moine qui traverse la cour attire votre attention. Vous croisez son regard. C’est le frère Paulin ! Il fronce les sourcils, et cela suffit à vous rappeler que toucher ce fromage serait la pire erreur de votre vie. En bredouillant, vous prenez congé de frère Barnabé et de son cousin.
La cloche de sexte retentit au même moment, ce qui vous fournit une excuse idéale pour prendre la poudre d’escampette.
Rendez-vous au [[''23''->23]].Cette matinée s’est avérée plus fatigante que vous ne l’auriez cru. À peine vous êtes-vous allongé sur votre paillasse que vous sombrez dans un sommeil profond et sans rêves. Vous n’émergez de ce trou noir qu’après que frère Paul a passé plusieurs minutes à vous tapoter, puis secouer l’épaule.
Vous vous sentez ragaillardi et prêt à affronter une nouvelle demi-journée de travail. Vous perdez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula - 1)
Rendez-vous au [[''3''->3]].Les coûtres que vous croisez dans les couloirs vous jettent des regards intrigués. Ils n’ont guère l’habitude de voir des moines sauter l’heure de la sieste ! Mais vous sentez qu’aujourd’hui, le sommeil va vous fuir, et l’idée de tourner en tous sens sur votre paillasse en attendant vainement d’y succomber n’a rien pour vous sourire.
L’un des coûtres vous salue d’un geste de la main.
Si vous voulez discuter avec lui, rendez-vous au [[''33''->33]].
Sinon, rendez-vous au [[''29''->29]].L’office de none se déroule sans histoire et il est à présent l’heure de votre travail de copiste. L’atmosphère apaisante du scriptorium semble toute indiquée pour soulager les tourments de votre âme. Le crissement des plumes sur le vélin est un bruit qui vous a toujours plu, peut-être précisément parce qu’il rompt avec le silence qui règne souvent en maître dans le monastère, ou parce qu’il stimule votre imagination, qui sait ?
Lors de votre dernière séance de copie, il y a de cela quelques jours, vous avez mis les dernières touches à un chapitre de la //Legenda platina// (la nouvelle version de la //Legenda aurea//, avec cinquante vies de saints en plus et un commentaire exclusif de Bède le Vénérable, tous les scriptoriums se l’arrachent) relatant l’histoire édifiante de sainte Lucie de Syracuse. Vous espérez que la tâche de copie qui vous sera assignée aujourd’hui sera tout aussi plaisante.
L’écolâtre a laissé une note sur votre lutrin. Rédigée dans son écriture en pattes de mouche habituelle, il s’agit d’une liste des chapitres qu’il souhaite vous voir recopier prochainement. Comme rien n’indique que l’ordre est celui que vous devez suivre, vous êtes libre de commencer par celui qui vous plaira. Duquel s’agira-t-il ?
L’histoire de saint Jacques le Majeur ? Rendez-vous au [[''34''->34]].
L’histoire de saint Mammès ? Rendez-vous au [[''24''->24]].
L’histoire de saint Pantaléon ? Rendez-vous au [[''18''->18]].Le coûtre s’appelle Alain. Il n’est arrivé à Goulacq qu’il y a quelques semaines, ce qui explique pourquoi son visage ne vous disait rien. Avant cela, il travaillait à l’abbaye d’Irac, jusqu’à cette journée terrible où les reliques de saint Gundomir ont été volées au nez et à la barbe des moines. Furieux, l’abbé a aussitôt renvoyé tous les coûtres qui étaient jusqu’alors à son service. Par chance, Alain a bénéficié de la bonté d’âme de l’abbé Ambroise, qui a accepté de le recueillir à Goulacq.
Pris de sympathie, vous décidez de raconter à Alain vos propres déboires. En apprenant que vous n’avez plus le droit au moindre fromage, son regard s’éclaire et il vous demande si vous accepteriez de lui offrir le quota de fromage qui vous est désormais interdit.
Si vous acceptez, rendez-vous au [[''35''->35]].
Si vous refusez, rendez-vous au [[''39''->39]].Vos déambulations vous ont conduit à l’extérieur du bâtiment principal du monastère. Vous êtes face à la porterie qui constitue le point d’accès au monde extérieur. Sur votre droite s’élève la haute tour du colombier et, au-delà, la petite cahute en pierres grossières qui sert d’abri à frère Élisée, un moine qui a choisi de vivre dans un isolement presque complet.
Si vous voulez entrer dans le colombier, rendez-vous au [[''17''->17]].
Si vous préférez rendre visite à frère Élisée, rendez-vous au [[''40''->40]].Jacques le Majeur est l’un des douze Apôtres. À ce titre, il apparaît bien sûr dans la Bible, mais le chapitre que vous recopiez s’intéresse à ses aventures ultérieures. Après avoir séjourné un temps en Espagne, le saint, revenu en Judée, s’opposa à un faux mage nommé Hermogène qui s’efforçait de mettre des bâtons dans les roues de ses efforts de conversion. Bien entendu, Jacques déjoua tous les plans du rusé mage, au point de convaincre celui-ci d’embrasser en fin de compte la foi chrétienne.
C’est une histoire distrayante et vous avez plaisir à la copier. Vous vous sentez en forme, les mots coulent de votre plume comme de l’eau et vous mettez le point final au chapitre à une vitesse étourdissante. Ce n’est qu’en vous relisant que vous découvrez, horrifié, que vous avez systématiquement écrit Hermogène le fromage à la place de Hermogène le mage, sauf une occurrence où vous êtes allé jusqu’à écrire Fromagène le fromage.
Vous êtes épouvanté. Quel gâchis ! Vous allez devoir gratter, gratter et encore gratter l’encre malvenue avant de pouvoir corriger cette erreur. Et comme la cloche vient de sonner vêpres, vous n’aurez pas le temps de le faire aujourd’hui. Inquiet, vous quittez le scriptorium derrière vos frères copistes.
Rendez-vous au [[''42''->42]].Mammès de Césarée est l’un de ces saints humbles des premiers temps du christianisme dont l’histoire mélange adroitement l’émotion et le fantastique. Vous prenez plaisir à la retracer du bout de votre plume, noircissant le parchemin lettre après lettre. Ce petit berger de Cappadoce fut sauvé par un ange du supplice que lui réservait le terrible gouverneur Démocrite. L’ange l’emporta sur une montagne isolée où il survécut grâce à l’aide des animaux sauvages. Il devint l’ami des biches et des chèvres et se fit du fromage avec leur lait…
… du fromage…
Hum…
Un bruit sec vous tire soudain de votre rêverie. Quelqu’un a dû laisser tomber un écritoire. Vous vous rendez compte que vous avez passé un temps indéterminé à rêvasser sur votre copie. Elle n’a pas dépassé le mot fromage, si l’on excepte un petit pâté formé à l’extrémité de votre plume.
Vous gagnez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula + 1)
Avant que vous ne puissiez reprendre le travail, la cloche sonne. Il est vêpres, l’heure de l’office du soir. Vos frères quittent leurs sièges, certains grimacent d’être restés trop longtemps courbés sur leur ouvrage. Vous leur emboîtez le pas.
Rendez-vous au [[''42''->42]].Pantaléon de Nicomédie était le médecin personnel de l’empereur romain Maximien. Ayant embrassé la foi chrétienne, il continue son œuvre de guérisseur avec un grand succès. Jaloux, les disciples d’Esculape le dénoncent à l’empereur, qui tente de le faire exécuter de six manières différentes, mais ni le feu, ni le plomb fondu, ni la noyade, ni les bêtes sauvages, ni la roue n’en viennent à bout. Ce n’est que lorsque Pantaléon consent à être décapité que son bourreau parvient à accomplir sa tâche.
Ce n’est pas l’histoire la plus palpitante de la //Legenda platina//, mais la manière dont Pantaléon échappe aux différents supplices que lui réserve l’empereur offre tout de même suffisamment d’intérêt pour vous occuper tout l’après-midi.
Vous perdez 1 point de //gula//.(set: $gula to $gula - 1)
Tout à votre travail, vous êtes surpris d’entendre sonner vêpres. Le scriptorium se vide en quelques instants de tous ses occupants.
Rendez-vous au [[''42''->42]].Votre accord réjouit Alain. En échange, il s’engage à vous venir en aide si vous avez des soucis que ses compétences seraient susceptibles de vous aider à résoudre. Vous scellez cet accord d’une poignée de main chaleureuse. On dirait que vous vous êtes fait un nouvel ami.
Lorsque la cloche sonne none, c’est ensemble que vous vous rendez à l’église pour assister à l’office. Rendez-vous au [[''3''->3]].Alain est déçu de votre refus et prend congé avec brusquerie. Quelques instants plus tard, la cloche sonne l’office de none et vous allez rejoindre vos frères à l’église.
Rendez-vous au [[''3''->3]].La tour du colombier ne paie pas de mine à côté de celles, bien plus imposantes, de l’église abbatiale. Construite en simples briques, elle abrite quelques couples de pigeons voyageurs qui contribuent aux communications entre votre monastère et le reste du monde. Les messages sont plus rares qu’à une époque, ce qui rend ce bâtiment un peu surdimensionné pour vos besoins. Le frère Paulin a plus d’une fois soulevé la question de sa destruction, mais jusqu’à présent, l’abbé Ambroise a choisi d’ignorer ce problème, sans doute pour ne pas peiner frère Laurent, qui aime tellement ses petits protégés qu’il aurait le cœur brisé de ne plus les revoir.
Les alentours du colombier ne sont jamais très fréquentés, et à l’heure de la sieste, ils sont parfaitement déserts. C’est un environnement qui sied à votre besoin de quiétude. Vous poussez la porte sans faire de bruit et montez l’escalier qui conduit aux nids. Deux pigeons dorment dans leurs nids et vous les laissez tranquilles pour vous approcher d’une fenêtre. De votre position, vous avez vue sur toute l’abbaye et la campagne environnante, qui resplendit de vert et d’or sous le soleil de l’été.
Un bruissement d’ailes vous fait vous retourner. Soudain, ce n’est plus deux pigeons qui sont avec vous dans le colombier, c’est toute une flopée de volatiles qui est arrivée dans le silence le plus complet et qui vous observe à travers un milliard d’yeux noirs dépourvus d’intelligence. Votre stupéfaction redouble lorsqu’ils ouvrent le bec pour se lancer dans une cacophonie de roucoulements où il vous semble entendre les mots « fromage, fromage ! »
Les oiseaux se ruent sur vous dans un tourbillon d’ailes et de griffes. Vous reculez prestement… si prestement que vous basculez par la fenêtre ouverte et tombez dans le vide !
Rendez-vous au [[''22''->22]].Même pour un reclus, frère Élisée a la réputation d’être… bizarre. Vous ignorez depuis quand il réside dans sa cahute, mais au fil du temps, d’innombrables rumeurs se sont accumulées sur son compte. On dit qu’il possède le don de prophétie et qu’il a reçu dans sa cellule la visite d’évêques, de cardinaux et de rois. On dit qu’il aurait prédit la mort d’un roi et l’avènement d’un autre, et qu’il aurait deviné l’endroit où la reine avait perdu sa chaussette droite. Vos frères et vous avez tendance à l’éviter, sauf lorsque c’est votre tour de lui apporter son unique repas quotidien : un broc d’eau et un quignon de pain rassis. Les quelques fois où cette tâche vous est échue, vous n’avez pas échangé le moindre mot avec frère Élisée.
Aujourd’hui, cependant, l’ermite semble ouvert à la discussion. Vous le trouvez assis par terre devant l’entrée de son antre, comme s’il vous attendait. Difficile de discerner ses traits sous l’épaisse couche de crasse qui recouvre son visage, mais ses yeux brillent d’un éclat difficile à soutenir. En vous voyant approcher, il se redresse et plonge son regard dans le vôtre. Craignant qu’il ne vous touche, vous esquissez un mouvement de recul, mais il se contente d’ouvrir la bouche pour dire :
« Si tu as mal au tibia, n’ouvre pas le livre. »
Un ange passe.
« … pardon ?
– Oui, Edgar, écoute-moi bien. Si tu as mal au tibia, n’ouvre pas le livre. »
Vous êtes complètement perdu. Quel est ce charabia sans queue ni tête ? Et les yeux couleur d’acier de frère Élisée qui sont obstinément fixés aux vôtres, sans que vous puissiez en détacher le regard… et cette phrase étrange qui tourne en rond dans votre tête…
Rendez-vous au [[''22''->22]].Vous vous réveillez en sursaut. Vous êtes allongé sur un banc de pierre, le long du mur de l’église, et le soleil vous réchauffe doucement la tête, caché derrière quelques nuages bienvenus. Tout ceci n’était donc qu’un rêve ?
Vous êtes perplexe, mais vous n’avez pas le temps d’y réfléchir davantage, car la cloche sonne none. Il est temps de rejoindre vos frères pour l’office de la neuvième heure.
Rendez-vous au [[''3''->3]].Des huit heures canoniales, les vêpres sont sans doute les plus importantes. Ce sont les dernières qui prennent place à la lumière du jour, et les rayons du soleil couchant baignent de leur lumière orangée toute la cérémonie.
À la sortie de l’église, alors que vos frères se rendent en bon ordre au réfectoire, le prieur vous fait signe d’approcher. Son visage impassible ne laisse rien deviner de ses intentions. Une boule au ventre, vous obtempérez.
« Frère Edgar, nous avons un petit souci. Frère Roger a été piqué à la joue par une abeille tout à l’heure, il est rigoureusement incapable de prononcer le moindre mot. Je souhaiterais que ce soit vous qui preniez sa place pour assurer la lecture du soir. Il avait déjà choisi un passage de la Cité de Dieu, je ne doute pas que vous saurez impartir les mots de saint Augustin de la même gravité que l’aurait fait frère Roger. »
Sans attendre votre réponse, frère Paulin s’éloigne, ne se retournant que le temps de dire :
« Oh, et ne croyez pas que j’aie oublié notre petite affaire, frère Edgar. Nous en reparlerons après complies. »
Vous n’avez pas grand appétit pour le souper, qui se compose simplement des restes de midi : fèves et pain noir. Parler en public n’est pas votre point fort, surtout de manière impromptue. Vous espérez que vous n’allez pas trop bafouiller. Pour un peu, votre anxiété est telle que vous ne remarqueriez presque pas l’absence de fromage au dessert.
Une fois le repas terminé, tout le monde quitte en bon ordre le réfectoire pour se rendre dans la salle du chapitre où se déroulent traditionnellement les lectures du soir. Vos frères s’alignent sur les bancs de bois et attendent avec impatience que vous commenciez. Saisi par le trac, vous tremblez un peu en remontant la pièce jusqu’au pupitre sur lequel est posé un volume massif. Vous posez une main frémissante sur la couverture…
Si vous avez mal au tibia, rendez-vous au [[''14''->14]], sauf si vous vous êtes aussi fait un nouvel ami, auquel cas c’est au [[''6''->6]] que vous irez. Dans tout autre cas, rendez-vous au [[''28''->28]].La couverture ne bouge pas. Perplexe, vous imprimez une force accrue à votre geste, sans plus d’effet. Vous forcez davantage… et le livre finit par s’ouvrir sur un spectacle affligeant. Ses pages sont collées les unes aux autres par une substance que vous ne connaissez que trop bien : du fromage de chèvre fondu ! Quelqu’un a répandu ce liquide sur le précieux ouvrage et l’a rendu complètement inutilisable. Vous êtes à la fois ulcéré et tétanisé de voir gâcher un beau livre et du bon fromage pour un tel acte de vandalisme, aussi délicieux à l’odorat que répugnant à la vue et au toucher. Vous gagnez 2 points de //gula//.(set: $gula to $gula + 2)
Vous levez les yeux. Dans la salle, l’incompréhension règne, à deux exceptions près. Au premier rang, frère Paulin fronce les sourcils. Tout au fond, frère Guilhem et ses comparses peinent à cacher leurs sourires narquois tandis qu’ils s’échangent des coups de coude dans les côtes.
Frère Paulin se lève et annonce qu’exceptionnellement, la séance de lecture n’aura pas lieu et invite vos frères à se rendre d’ores et déjà à l’église pour le service de complies. Il vous jette un regard à glacer les sangs avant de quitter la pièce. Vous le suivez à bonne distance.
Rendez-vous au [[''13''->13]].Vous ouvrez le livre. En levant les yeux, vous apercevez Alain le coûtre, assis dans un coin, qui vous fait un clin d’œil. À côté de lui, frère Guilhem et ses comparses ont l’air contrarié. Apparemment, ils avaient prévu de vous jouer un mauvais tour, mais Alain a tenu sa promesse et leurs plans ont été contrecarrés. Vous pouvez entamer la lecture sans autre problème que votre trac.
Rendez-vous au [[''28''->28]].Le passage choisi par frère Roger était singulièrement alambiqué, mais vous parvenez à vous en dépêtrer au prix de quelques balbutiements. C’est tout de même avec un certain soulagement que vous parvenez au bout de votre lecture et que sonne l’heure de complies.
Rendez-vous au [[''13''->13]].À l’issue de ce dernier office de la journée, vos frères se préparent à rejoindre le dortoir pour la nuit, mais vous savez qu’une épreuve vous attend encore. Vous croisez le regard de frère Paulin, qui vous fait signe de l’attendre à la porte de l’église, à l’endroit même de votre conversation de ce matin.
« Frère Edgar. J’ai gardé un œil sur vous toute la journée et… »
Quel est votre score de gula à cet instant précis ?
S’il est égal à 1 ou 2, rendez-vous au [[''46''->46]].
S’il est égal à 3, rendez-vous au [[''21''->21]].
S’il est égal à 4, rendez-vous au [[''12''->12]].
S’il est égal à 5, rendez-vous au [[''7''->7]].
S’il est égal à 0 ou 6, c’est que vous avez oublié de suivre les instructions données au début de l’aventure. Allez, filez au [[''49''->49]] (s’il est égal à 6) ou au [[''50''->50]] (s’il est égal à 0), et plus vite que ça !
S’il est égal à tout autre nombre entier naturel ou relatif, c’est le signe d’une sérieuse erreur de calcul de votre part. Recommencez l’aventure.
S’il est égal à un nombre réel, complexe ou irrationnel, c’est le signe d’une encore plus sérieuse erreur de calcul, ou bien de la découverte par inadvertance d’une nouvelle branche de l’arithmétique. Recommencez l’aventure, et si vous arrivez au même résultat, contactez l’Union mathématique internationale.« … je suis ravi de voir que vous avez pris à cœur mon avertissement de ce matin et que vous vous êtes comporté de manière exemplaire aujourd’hui. Continuez ainsi, frère Edgar ! Vous êtes un exemple pour toute la communauté. »
Frère Paulin vous tapote l’épaule avec un sourire avant de s’en aller. Vous êtes stupéfait. Même en vous creusant la tête, impossible de vous souvenir avoir jamais vu le prieur sourire. Si votre score de //gula// était égal à 2, vous pouvez l’abaisser d’un point.(if: $gula = 2)(set: $gula to $gula - 1)
Il est plus que temps d’aller dormir à présent.
Rendez-vous au [[''44''->44]].« … je suis heureux de voir que vous n’êtes pas retombé dans vos travers. Continuez ainsi, frère Edgar ! Je suis certain qu’à force de foi et de volonté, vous viendrez à bout de cette effroyable gourmandise qui vous empoisonne l’âme. »
Sur ces mots, frère Paulin quitte les lieux. La joie d’avoir échappé à ses foudres le dispute à la fatigue qui s’abat soudain sur vous. Il est grand temps d’aller au lit.
Rendez-vous au [[''44''->44]].« … je dois dire que je suis déçu. J’espérais que mon admonestation suffirait à vous remettre sur le droit chemin, mais il semble que des pensées impures continuent à vous corrompre. Il va vous falloir faire davantage d’efforts, frère Edgar. »
Sur un froncement de sourcils, frère Paulin vous laisse seul. Vous aviez l’impression d’avoir fait de votre mieux, mais le prieur n’est visiblement pas de cet avis. C’est quelque peu dépité que vous prenez la direction du dortoir pour une nuit de sommeil bien méritée.
Rendez-vous au [[''44''->44]].« … je suis furieux ! Non content d’ignorer mon admonestation, vous avez persisté dans la voie du péché ! Je devrais vous chasser sans plus attendre, votre seule présence ici est une insulte au Seigneur ! Je vous garantis que…
— Holà, holà, que se passe-t-il ici ? »
C’est évidemment le père abbé qui vient d’interrompre frère Paulin. Personne d’autre n’aurait osé. D’aussi loin que vous vous rappelez, vous avez toujours connu le père Ambroise comme un vieillard courbé par les ans aux cheveux d’un blanc de neige et au sourire perpétuel, qui ne se laisse jamais démonter. Vous n’avez jamais su au juste en quelle année il avait été élu abbé, ni pendant quel siècle. Aux yeux de tous, c’est une constante de la nature, comme le soleil ou la lune.
« Ah, c’est vous, frère Edgar ! Que devenez-vous, mon garçon ? Vous savez, frère Paulin, j’ai bien connu le père de notre frère Edgar, le meunier Edwin d’Invidiac, un sacré gaillard ! Ah, je me souviens encore de cette histoire avec le marguillier, c’était l’année du grand hiver, vous voyez de quoi je parle ? »
Vous échangez un regard avec frère Paulin. Ni lui, ni vous n’avez la moindre idée de ce dont parle le père Ambroise.
« Ah, c’était la belle époque. Ça me rappelle cette affaire avec le meunier Edmond, le frère d’Edwin, à l’époque où c’était lui qui tenait le moulin d’Invidiac, avant la grande crue, non, pas celle-là, celle d’avant. Comment avait-il fait pour que toutes ses vaches finissent sur le toit de son moulin, ça, je ne l’ai jamais su ! »
Frère Paulin toussote.
« Ah, c’est vous, frère Paulin ! Et frère Edgar ! Que devenez-vous, mon garçon ?
— Justement, parvient à intervenir le prieur, nous étions en train d’étudier son cas. Il se trouve…
— Un bon moine, notre frère Edgar, je l’ai toujours dit !
— … que j’envisageais…
— Mais est-ce que je vous ai raconté l’histoire du marguillier et du meunier ? Elle est assez cocasse, tout de même.
— … de demander à la prochaine réunion du chapitre…
— Qui aurait cru qu’un homme pouvait traverser aussi vite la Barguelonne ? Bon, c’est vrai qu’elle était gelée à ce moment-là, c’était l’année du grand hiver, n’est-ce pas ?
— … son exclusion.
— Hein, quoi, comment ? Allons, que sont ces fariboles, frère Paulin, nous n’allons pas commencer à exclure des gens, n’est-ce pas ? Ce n’est pas du tout le moment, et puis mes chers petits moines sont tous si bons ! Je ne vois pas ce qui justifierait la moindre exclusion à l’heure actuelle. Allons, mes enfants, l’heure du coucher est arrivée, je pense, il est temps pour chacun de nous de regagner ses pénates. Allez, allez ! »
Frère Paulin n’a pas le temps d’intervenir. Il peut tout juste vous jeter un regard noir avant de quitter les lieux. Apparemment content de lui, le père Ambroise fait de même en chantonnant à voix basse. Quant à vous, il ne vous reste plus qu’à vous rendre au dortoir.
Rendez-vous au [[''44''->44]].Vous vous sentez soudain étrangement léger. D’une manière ou d’une autre, le goût du fromage semble vous être complètement passé. L’idée même d’y goûter vous indiffère à présent totalement.
Quelle curieuse sensation !
Pour un peu, vous auriez presque l’impression de voler…
(text-style:"italic")[(align:"<==")+(box:"==XXXXXX==")[… et cette année-là, le frère Edgar s’éleva aux cieux, comme me l’ont rapporté ceux qui étaient présents à ses côtés pour assister à ce miracle, non point en mourant comme les malheureux mortels, mais en s’élevant du sol, exactement comme si son enveloppe terrestre avait perdu tout son poids. Depuis le jour de ce miracle, ses reliques sont conservées sous l’autel de l’église abbatiale de Goulacq où les fidèles viennent encore aujourd’hui en grand nombre se recueillir et prier saint Edgar d’intercéder en leur faveur pour les libérer de l’effroyable péché de gourmandise.]]
(align:"==>")+(box:"=XXXX")[//Chronicon abbatiæ Golacum//,
traduit du latin médiéval par le professeur Évariste Rudit (1908)]
(align:"=><=")+(box:"=========XX=========")[FIN]Vous avez l’étrange impression que quelque chose vient de se briser net en vous. Soudain, votre esprit est incapable du moindre raisonnement, votre corps du moindre geste. Une seule chose emplit votre être tout entier, une seule idée : fromage.
Il vous faut du fromage. Tout de suite !
Et gare à qui se mettra en travers de votre chemin !
(text-style:"italic")[(align:"<==")+(box:"==XXXXXX==")[… et cette année-là se produisit le troisième des grands incendies qui ravagèrent l’abbaye. Les frères très âgés qui s’en souvenaient encore lorsque je vins recueillir leurs souvenirs m’expliquèrent que les flammes avaient été allumées dans l’espoir de déloger des cuisines un frère qui, me dirent-ils, s’y était barricadé avec l’intégralité des réserves de fromage du monastère. Aujourd’hui encore, plusieurs décennies plus tard et malgré d’importants travaux de rénovation, l’abbaye de Goulacq est réputée pour l’odeur de fromage brûlé qui émane de ses murs.]]
(align:"==>")+(box:"=XXXX")[//Chronicon abbatiæ Golacum//,
traduit du latin médiéval par le professeur Évariste Rudit (1908)]
(align:"=><=")+(box:"=========XX=========")[FIN]Indifférents à votre absence, vos frères se sont tous endormis sans vous attendre. Vous vous allongez à votre tour sur votre paillasse, l’esprit en ébullition comme jamais. Les péripéties de la journée vous ont exténué, mais le sommeil vous fuit. Les heures s’écoulent, lentes comme de la poix, et lorsque la cloche de l’église sonne le premier coup de l’office des vigiles, vous sentez que l’épreuve ultime approche, celle qui décidera du sort de votre âme mortelle.
Lancez un dé.
Si le résultat est strictement supérieur à votre //gula//, retranchez 2 points à ce score.
Si le résultat est inférieur ou égal à votre score de //gula//, ajoutez-y au contraire 2 points.
Si, une fois cette modification effectuée, votre score est égal à 0 (ou moins) ou à 6 (ou davantage), vous savez quoi faire. Dans tout autre cas de figure, rendez-vous au [[''48''->48]].Épuisé, vous vous redressez sur votre grabat. Vous avez passé la journée à souffrir, à lutter contre votre instinct primal, ce désir dévorant de succomber à la tentation et de laisser libre cours à votre gourmandise. Vous espériez complaire au prieur et vous rapprocher de la grâce divine. En fin de compte, vous ne ressentez plus qu’un grand vide là où une foi sans faille illuminait jadis votre cœur.
La mort dans l’âme, vous ressortez en silence du dortoir. Votre décision est prise.
L’habitude vous permet de vous faufiler sans être vu dans le cellier, où vous remplissez en hâte un havresac de quelques provisions de bouche – dont, oui, quelques fromages. Cette discrétion, une véritable seconde nature à présent, vous permet ensuite de quitter l’abbaye sans être vu. À quoi bon faire des adieux ? Vous n’avez plus rien de commun avec les moines qui l’occupent.
Au-dessus de votre tête brille une lune plus froide que jamais. Vous avancez d’un bon pas sur le chemin, sans savoir s’il vous conduira aux cieux, en enfer ou simplement à l’élevage de chèvres le plus proche. Votre destin ne sera sans doute pas de ceux dont on parle dans les chroniques, mais il sera vôtre et vôtre seul.
(align:"=><=")+(box:"=========XX=========")[FIN](append:?sidebar)[//(text-colour:red)[Gula]// $gula]
(append:?sidebar)[6 ? [[''49''->49]]]
(append:?sidebar)[0 ? [[''50''->50]]]